Par Jean-Pierre Mulumba Milolo, Internationaliste – Expert en relations régionales
Deux jours après la signature à Washington de l’accord de paix entre les équipes techniques de la République Démocratique du Congo et du Rwanda, les réactions se multiplient. Au cœur de la polémique, un point précis cristallise les tensions : l’intégration conditionnelle des groupes armés non étatiques, également appelée « brassage ».
Cette disposition, souvent mal interprétée, fait craindre à certains une brèche dans la souveraineté nationale. Pourtant, à y regarder de plus près, il s’agit d’une avancée stratégique encadrée par des garanties diplomatiques essentielles.
➡️ Loin d’être une concession unilatérale, cette clause impose des conditions strictes : désarmement préalable, filtrage rigoureux et respect des critères de réintégration, dans le cadre de la souveraineté pleine et entière de la RDC. Elle marque la fin des logiques d’amnistie automatiques, longtemps sources d’impunité et d’instabilité.
Un tournant maîtrisé
À l’heure où cet accord s’apprête à entrer dans sa phase de mise en œuvre, il est regrettable que certains acteurs n’en retiennent qu’un point sensible, négligeant l’ensemble du texte. Car ce processus diplomatique ne se résume pas à un seul paragraphe.
Le texte traite avant tout de :
désarmement,
désengagement des forces étrangères,
respect de l’intégrité territoriale de la RDC.
Ces trois principes fondamentaux forment le cœur de l’accord et réaffirment la centralité du droit international dans les relations bilatérales.
Une reconnaissance implicite du problème
Derrière l’engagement de « désengagement des forces étrangères », il faut savoir lire entre les lignes. En effet, comment un pays peut-il se désengager s’il n’était pas déjà engagé ? Ainsi, bien que Kigali ait longtemps nié toute présence sur le sol congolais, cet accord constitue une reconnaissance implicite mais cruciale de cette réalité. Cela représente un tournant diplomatique majeur arraché par Kinshasa.
L’accord comme levier politique
Il ne faut pas oublier que dans un contexte de fragilité sécuritaire et de présence ennemie infiltrée, la victoire ne peut être que partiellement militaire. La guerre asymétrique impose de maîtriser aussi l’arène diplomatique. C’est précisément ce que Kinshasa a su faire : replacer la question congolaise au centre du débat régional et international, dans un cadre de légalité.
Ce texte fragilise la position du Rwanda, qui ne peut plus imposer sa vision unilatérale. Désormais, un cadre commun, fondé sur des engagements clairs, encadre les rapports.
Un cadre nouveau pour une paix durable
Il est tentant de crier à la trahison ou de dénoncer un prétendu échec militaire. Mais une lecture honnête et rigoureuse du texte montre au contraire l’amorce d’un rééquilibrage des rapports de force. Le monopole du rapport de force brut laisse place à un dialogue structuré.
Ce que cet accord annonce, c’est la fin d’un cycle d’opacité et d’impunité. Il ouvre la voie à un processus de paix durable, basé sur la souveraineté, la concertation et le refus des ingérences.
C’est cela, la victoire diplomatique à saluer.
Jean Pierre Milolo