Arnaque numérique d’État : Le téléchargement des Attestations de Réussite, une Machine à Sous sur le dos des Finalistes Congolais

Alors que la modernisation devrait être synonyme de simplification, l’obtention de l’attestation de réussite du Diplôme d’État en République démocratique du Congo s’est transformée en un véritable parcours du combattant numérique. Un système défaillant, confié aux opérateurs mobiles, ponctionne sans relâche les maigres économies des familles, laissant des milliers de jeunes lauréats dans le désarroi, surtout en province. Enquête sur un scandale qui ne dit pas son nom, aux allures d’un racket organisé rappelant les pires démons du pays.

Kinshasa – La promesse était belle. Dans son élan d’innovation technologique, le ministère de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique (EPST) a voulu dématérialiser l’accès aux attestations de réussite. Fini les longues files d’attente et les tracasseries administratives. Désormais, un simple clic depuis un téléphone portable devait suffire. Mais le rêve numérique a viré au cauchemar financier pour les plus vulnérables.

Le « Précieux Sésame » à 4 Dollars… par Tentative

Pour tout finaliste du secondaire, l’attestation de réussite est le sésame indispensable, la condition sine qua non pour s’inscrire à l’université ou dans un institut supérieur. Le coût officiel pour la télécharger via les plateformes des réseaux mobiles a été fixé à 4 dollars américains, ou l’équivalent en unités de téléphone. Un prix déjà conséquent pour de nombreuses bourses.

Hélas, la réalité est bien plus cruelle. Le mécanisme, confié en exclusivité aux opérateurs de téléphonie mobile, est d’une inefficacité alarmante. « J’ai essayé plus de dix fois », témoigne un parent d’élève à bout de nerfs. « À chaque tentative, mon crédit est débité, mais aucun document n’est généré. J’ai déjà perdu plus de 40 dollars, et mon fils n’a toujours pas son attestation. C’est du vol pur et simple ! »

Les témoignages affluent et se ressemblent tragiquement : l’argent, que ce soit en crédit de communication ou via les services de Mobile Money, est prélevé instantanément. Le service, lui, n’est que très rarement rendu. Les services clients, censés apporter des solutions, se transforment en murs d’attente interminables, où les appels se perdent dans des limbes administratifs sans jamais aboutir.

La fracture provinciale : Une double peine

Si le calvaire est palpable à Kinshasa, il devient une véritable tragédie pour les lauréats des provinces. Coupés des centres de décision, avec une connectivité souvent plus faible et des moyens encore plus limités, ils sont les premières victimes de ce système kafkaïen.

Pour un jeune de Lodja, de Bunia ou de Kamina, l’idée de « monter à Kinshasa » pour régler le problème est un fantasme inaccessible. Là où les plus audacieux de la capitale peuvent encore espérer obtenir le document en se rendant directement au ministère – moyennant « quelques dollars glissés en cachette » – les jeunes de province n’ont d’autre choix que de s’acharner sur leurs téléphones, voyant leurs espoirs et l’argent de leurs familles s’évaporer à chaque tentative infructueuse. Beaucoup, découragés et démunis, finissent par abandonner, compromettant ainsi leur avenir académique.

L’Ombre d’un « RAM Bis » et la complicité suspecte

Cette situation réveille de douloureux souvenirs. L’expression « RAM Bis » est sur toutes les lèvres. Elle fait référence au Registre d’Appareils Mobiles, un autre système qui, sous couvert de lutte contre la contrefaçon, a été perçu par la population comme une taxe déguisée et un racket institutionnalisé. Le parallèle est frappant : un service obligatoire, une plateforme technologique défaillante et des prélèvements systématiques sans contrepartie.

Comment un système aussi défectueux peut-il perdurer sans que des mesures correctives soient prises ? La question brûle les lèvres et alimente les soupçons. De nombreuses voix dénoncent une complicité tacite, voire active, entre certaines têtes pensantes au sein du ministère de l’EPST et les opérateurs mobiles, qui engrangent des revenus substantiels sur le dos des élèves.

Une fois de plus, le pauvre citoyen congolais est laissé à son triste sort, pris en otage entre la nécessité d’avancer dans la vie et un système qui semble conçu pour le pressurer. Au lieu d’être une porte vers l’avenir, la technologie devient ici une barrière infranchissable, une taxe sur la réussite qui enrichit quelques-uns en sacrifiant les rêves de toute une génération. Triste RDC.

Coco Kabwika

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