Ouganda : Muhoozi K., le dauphin alcoolique, devenu une source d’embarras

Au cœur d’une transition politique qui s’annonce tendue en Ouganda, la figure du lieutenant-général Muhoozi Kainerugaba, fils et successeur présumé du président Yoweri Museveni, cristallise les tensions. Qualifié de « dauphin », ses ambitions présidentielles sont de plus en plus ébranlées par un comportement jugé erratique et des accusations d’alcoolisme, le transformant en une figure « gênante » pour le pouvoir en place.

Un débat houleux sur le choc des générations fait rage en Ouganda. L’élite politique, au pouvoir depuis l’arrivée de Yoweri Museveni en 1986, doit-elle céder la place à une nouvelle génération de dirigeants ? Cette question est au centre de vives tensions entre les figures historiques du Mouvement de résistance nationale (NRM) et de jeunes militants qui réclament une véritable transition du pouvoir après près de quatre décennies de règne de Museveni.

Cette confrontation générationnelle a été illustrée par une déclaration acerbe du professeur Ephraim Kamuntu, un homme politique chevronné et fidèle du régime. Rejetant les critiques fondées sur l’âge, il a insisté sur le fait que le leadership devrait être déterminé par le mérite et le choix des électeurs, et non par une date de naissance.
« L’âge n’est qu’un chiffre », a déclaré Kamuntu, avant de lancer une pique à peine voilée en direction de la jeune garde et, selon de nombreux observateurs, du fils du président lui-même. « Ce n’est pas l’âge qui détermine le leadership. L’âge chronologique n’a aucune importance. J’ai vu des gens très jeunes mais déjà alcooliques. »

Un « dauphin » sous le feu des critiques

Cette allusion à l’alcoolisme n’est pas anodine. Elle fait directement écho à l’une des principales lignes d’attaque utilisées par les détracteurs du lieutenant-général Muhoozi Kainerugaba. Ces derniers exploitent sa réputation de consommateur d’alcool pour tenter de convaincre l’opinion publique ougandaise qu’il n’a pas l’étoffe d’un président.

Les critiques ne se limitent pas aux cercles privés. Des figures de l’opposition ont publiquement abordé le sujet. Le romancier primé Kakwenza Rukirabashaija, avant d’être arrêté et torturé, avait qualifié Muhoozi sur les réseaux sociaux de personnage « obèse » et « colérique ». D’autres opposants n’hésitent pas à affirmer, comme le leader politique Joseph Kabuleta, que le général est « toujours ivre » et que ses déclarations ne peuvent être prises au sérieux.

Ces accusations trouvent un écho particulier en raison du comportement public et souvent impulsif de Muhoozi Kainerugaba. Connu pour ses sorties de route sur le réseau social X (anciennement Twitter), le général est devenu une source d’embarras diplomatique et politique pour le régime de son père. Ses tweets ont inclus des menaces belliqueuses, comme celle de « capturer Nairobi » en deux semaines, qui a provoqué une crise avec le Kenya voisin et obligé le président Museveni à présenter des excuses officielles. Il a également menacé des opposants politiques, dont Bobi Wine, et a dû s’excuser auprès de diplomates occidentaux après des diatribes virulentes.

Ce comportement imprévisible a renforcé l’image d’un héritier potentiel instable et a donné du poids aux arguments selon lesquels il serait inapte à la plus haute fonction. Pour ses détracteurs, le « projet Muhoozi » – le plan présumé visant à installer le fils à la place du père – représente la perspective d’une succession dynastique marquée non seulement par le népotisme, mais aussi par l’incompétence et le manque de tempérance.
Alors que l’Ouganda approche d’une inévitable transition, la controverse autour de Muhoozi Kainerugaba révèle les fractures profondes du pays. La question de son aptitude, polluée par les accusations sur son style de vie, est devenue le symbole d’un débat national sur l’avenir, la méritocratie et le type de leadership que les Ougandais souhaitent pour sortir de l’ère Museveni.

Coco Kabwika

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