La guerre des mots entre Kinshasa et Kigali a franchi un nouveau cap ce 30 septembre 2025. Par une déclaration au vitriol, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a non seulement fustigé le recours de la République démocratique du Congo à des mercenaires, mais a également adressé une mise en garde sans équivoque : le Rwanda ne servira plus de porte de sortie pour les combattants privés vaincus sur le sol congolais.
Cette réaction explosive fait suite à un tweet, perçu à Kigali comme une provocation, du ministre congolais de l’Intérieur, Jacquemain Shabani Lukoo. Ce dernier se serait vanté de l’implication de « Blackwater », la tristement célèbre société militaire privée fondée par Erik Prince, aux côtés des forces armées congolaises (FARDC) dans le Nord-Kivu.
Pour le chef de la diplomatie rwandaise, cette communication décomplexée est symptomatique d’une dérive dangereuse. « Il n’y a qu’en RDC qu’un leader comme Shabani se moque de l’utilisation de mercenaires dans son pays », a-t-il déclaré, soulignant une violation flagrante des conventions des Nations Unies et de l’Union Africaine qui interdisent le mercenariat.
Un précédent embarrassant et un avertissement direct
La position de M. Nduhungirehe s’appuie sur un événement concret et humiliant pour Kinshasa. Il a rappelé l’épisode de janvier 2025, où plus de 280 mercenaires, principalement des ressortissants roumains, avaient été mis en déroute par les combattants du M23. Vaincus, ils avaient trouvé refuge au Rwanda avant d’être rapatriés par avion vers leurs pays d’origine depuis Kigali.
C’est cet épisode que le ministre rwandais a exhumé pour formuler son avertissement : « Et j’espère que le Rwanda ne sera plus jamais sollicité pour aider à ramener un autre groupe de mercenaires… ». La phrase est lourde de sous-entendus. Elle suggère non seulement que Kigali s’attend à de nouvelles déconvenues pour les forces pro-gouvernementales, mais aussi qu’elle refuse désormais de jouer le rôle de facilitateur humanitaire pour des acteurs qu’elle juge illégitimes. Après les Roumains, la déclaration pointe désormais l’engagement de combattants colombiens via Blackwater, signalant une internationalisation croissante et opaque du conflit.
La Légalité Internationale et les Accords de Paix Bafoués
Au-delà de la querelle bilatérale, le Rwanda positionne le débat sur le terrain du droit international et des processus de paix. Selon Olivier Nduhungirehe, l’emploi de mercenaires par la RDC est en contradiction directe avec l’esprit et la lettre des Accords de paix de Washington et de la Déclaration de principes de Doha. Ces initiatives, censées ramener la stabilité, seraient ainsi sabotées de l’intérieur par une stratégie qui privilégie la force privée à la solution politique.
Cette situation crée un paradoxe diplomatique. Tandis que la RDC accuse régulièrement le Rwanda de soutenir le M23, Kigali retourne l’accusation en pointant l’externalisation du conflit par Kinshasa à des acteurs non-étatiques, dont la présence ne fait qu’attiser les flammes.
Vers une nouvelle escalade ?
Cette passe d’armes verbale intervient dans un contexte de tensions militaires palpables. Le M23 affirme que la coalition des FARDC, incluant ces fameux mercenaires, poursuit ses offensives contre les populations civiles dans les zones sous son contrôle, notamment à Mpeti, Minjenje et Mikenke, en utilisant des drones et des avions de combat.
Igihe