Le Pulitzer Center Rainforest Investigations Network, en collaboration avec The Africa Report, a lancé une enquête exclusive en quatre parties sur le trafic de bois en Afrique de l’Est, mettant en lumière le rôle de l’Ouganda dans cette crise régionale.
Cette enquête approfondie révèle l’exploitation des conflits dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), facilitant le commerce illégal de ses feuillus protégés. Les principales économies de la Communauté d’Afrique de l’Est, notamment l’Ouganda, le Kenya, le Rwanda et la Tanzanie, profitent de ce commerce illicite, en contradiction avec leurs engagements environnementaux.
Au cœur de ce réseau obscur se trouvent des personnalités influentes liées aux services de sécurité et aux hommes politiques de toute l’Afrique de l’Est, y compris de l’Ouganda. Ils jouent un rôle central en garantissant l’échec des contrôles aux frontières, permettant ainsi à ce commerce illégal de prospérer, selon l’enquête. La corruption est endémique, les bûcherons et les camionneurs graissant les rouages aux points de contrôle frontaliers et acquérant des certificats d’origine falsifiés moyennant des frais substantiels.
Cette opération de contrebande de bois constitue une menace importante pour l’écologie du bassin du Congo et son rôle dans la lutte mondiale contre le changement climatique incontrôlé. Dans les entretiens menés pour cet article, les responsables du gouvernement ougandais ont unanimement nié toute implication dans la contrebande de bois en provenance du Congo.
« Nous n’avons reçu aucune information de ce type concernant la contrebande de bois », a déclaré le porte-parole de la police, Fred Enanga. « Pour plus de détails, veuillez contacter le service des douanes ; ils fourniront des informations détaillées.
« L’UPDF n’a connaissance d’aucune activité de contrebande de ce type, à moins qu’il n’y ait des preuves concrètes pour étayer ces affirmations », a déclaré Felix Kulayigye, porte-parole de l’UPDF, dans une interview lundi.
Tom Okello, directeur exécutif de la National Forestry Authority (NFA), a également réfuté ces allégations.
« En tant que NFA, nous n’avons connaissance d’aucune activité de contrebande de bois en provenance du Congo. Le seul marché reconnu pour le bois congolais à notre connaissance se trouve à Mpondwe. Là-bas, le bois est vendu légalement et les revenus sont versés à l’Autorité fiscale ougandaise (URA) pour son importation en Ouganda. Nous n’avons entendu parler d’aucun autre marché, légal ou illégal, pour le bois en dehors de Mpondwe », a-t-il expliqué.
Cependant, les recherches du Centre de recherche forestière internationale révèlent que plus de 90 pour cent du bois commercialisé via le Parc du Congo en RDC ne dispose pas de permis d’exploitation légaux.
L’étendue de l’exploitation est vaste, avec des centaines de millions de dollars de feuillus africains protégés pillés en RDC et introduits clandestinement en Ouganda et dans les pays voisins au cours des deux dernières décennies. Les principales espèces d’arbres récoltées au Congo comprennent l’okoumé et le sapelli :
- L’okoumé (Aucoumea klaineana) occupe une superficie de moins d’un million d’hectares.
• La forêt de Chaillu, réputée pour sa richesse en espèces d’arbres, héberge l’Okoume (Aucoumea klaineana), le Limba (Terminalia superbe), l’Ilomba (Pycnanthus angolensis) et le Sipo (Entandrophragma utile).
En particulier, le point frontalier ougandais de Lia est une scène centrale de ce commerce illicite à la tombée de la nuit, selon l’enquête du Pulitzer Center Rainforest Investigations Network. L’activité trépidante ici dresse un tableau frappant d’une entreprise prospère qui s’étend à travers l’Afrique de l’Est.
Pourtant, cette aubaine économique masque une réalité plus sombre de l’exploitation, de la dégradation de l’environnement et du périlleux voyage du bois congolais.
Malgré la protection internationale d’espèces comme l’acajou africain, l’absence de contrôles rigoureux aux frontières à des endroits comme Lia a permis la libre circulation de ces bois précieux.
Cette application laxiste entraîne des dommages importants à l’environnement et à la communauté. L’enquête a utilisé des entretiens, des images satellite et des reportages sur le terrain pour analyser la chaîne d’approvisionnement illégale de l’exploitation forestière, depuis la transformation de Lia jusqu’au réseau plus large d’acheteurs et de vendeurs à travers l’Afrique.
Il met en lumière non seulement les mécanismes du commerce, mais aussi son impact humain – des histoires d’espoir, de désespoir et une quête incessante de prospérité. Au cœur de cette série se trouve une analyse critique des cadres juridiques et réglementaires, ou de leur absence, régissant le commerce du bois en Afrique de l’Est. Les points de vue des politiciens locaux, des marchands de bois et des experts en conservation en Ouganda et au-delà révèlent l’ampleur de la corruption, une gouvernance faible et des politiques environnementales inefficaces.
Cette série souligne que le trafic de bois n’est pas seulement un problème écologique ; il s’agit d’un défi socio-économique complexe qui exige une approche unifiée et transfrontalière.
Le pillage et la vente illégaux de bois congolais en Ouganda sont une question controversée depuis de nombreuses années. Le 9 février 2022, la Cour internationale de Justice (CIJ) a statué que l’Ouganda devait verser 325 millions de dollars de réparations à la République démocratique du Congo (RDC).
Cette indemnisation concerne les dommages causés aux personnes, aux biens et aux ressources naturelles résultant de l’intervention militaire de l’Ouganda dans les conflits en RDC entre 1998 et 2003. Les réparations ordonnées couvrent une série de transgressions, notamment la perte de vies humaines et le pillage. et l’exploitation de ressources telles que l’or, les diamants et le bois pendant la période d’occupation militaire.
Avec Africa Report