‎Des bandits: Kagame durcit le ton et fait fermer des milliers d’églises évangéliques


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‎Au Rwanda, le paysage religieux est en pleine recomposition. Depuis plusieurs années, les autorités ont procédé à la fermeture massive d’églises évangéliques, bouleversant les habitudes de milliers de fidèles à travers le pays. Une politique assumée par le président Paul Kagame, qui ne cache ni sa méfiance ni sa sévérité à l’égard de ces lieux de culte.
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‎Jusqu’au printemps dernier, la Grace Room Ministry remplissait régulièrement la BK Arena de Kigali, capable d’accueillir près de 10.000 personnes. Mais en mai, cette église, comme des milliers d’autres, a été contrainte de baisser le rideau. En cause : l’application stricte de règles instaurées dès 2018, renforcées au fil du temps, portant sur la sécurité, la transparence financière et la formation des responsables religieux.


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‎Une réglementation de plus en plus contraignante


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‎Les nouvelles normes imposent aux églises de présenter des plans d’action annuels alignés sur les « valeurs nationales », de canaliser toutes les offrandes via des comptes officiellement enregistrés et de confier la prédication à des pasteurs titulaires de diplômes en théologie. Depuis mars 2025, une exigence supplémentaire complique davantage la tâche : chaque église doit désormais rassembler au moins 1.000 signatures de fidèles, un seuil jugé inatteignable pour de nombreuses petites communautés.
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‎Résultat : selon la presse locale, jusqu’à 10.000 églises auraient été fermées ces dernières années, un chiffre sans équivalent sur le continent africain.
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‎Kagame face aux églises : une hostilité assumée


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‎Paul Kagame, au pouvoir depuis la fin du génocide de 1994, justifie cette politique par des impératifs de développement. Pour lui, certaines églises n’apporteraient aucune contribution concrète à la société. Lors d’une récente sortie médiatique, il s’est interrogé publiquement sur leur utilité économique, allant jusqu’à accuser certaines d’être de simples instruments d’enrichissement personnel. « Beaucoup ne font que voler », a-t-il lancé, qualifiant certaines structures religieuses de véritables repaires de bandits.
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‎Ces propos traduisent, selon plusieurs analystes, la volonté du régime de préserver un contrôle total sur la société. Toute organisation susceptible de gagner en influence est perçue comme un contre-pouvoir potentiel, difficilement tolérable dans le système politique rwandais actuel.
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‎Religion, mémoire du génocide et héritage colonial
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‎La question religieuse reste particulièrement sensible au Rwanda. Le génocide de 1994, au cours duquel des massacres ont parfois eu lieu à l’intérieur même des églises, a profondément marqué les consciences. Paradoxalement, ce traumatisme a favorisé l’émergence de nombreuses nouvelles églises, souvent évangéliques, qui promettaient guérison spirituelle et réconfort moral.
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‎Paul Kagame, lui, voit aussi dans certaines institutions religieuses un prolongement de l’héritage colonial. Il accuse régulièrement les Églises d’avoir contribué à maintenir les populations dans une forme de dépendance intellectuelle, un discours qui trouve un écho dans une partie de l’opinion publique.
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‎Fidèles désorientés, responsables inquiets
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‎Aujourd’hui, de nombreux croyants sont contraints de parcourir de longues distances pour trouver un lieu de prière autorisé. Des responsables religieux, s’exprimant sous anonymat, évoquent un climat de crainte et dénoncent une hostilité ouverte du pouvoir envers les organisations confessionnelles.
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‎Pour les autorités, ces fermetures sont avant tout administratives. Dans le cas de la Grace Room Ministry, la licence aurait été retirée en raison de manquements répétés dans la transmission des rapports financiers et d’activité. Une justification qui ne dissipe pas les interrogations.
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‎Une volonté de contrôle politique ?
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​Pour de nombreux analystes, cette régulation cache également un enjeu de pouvoir. Dans un pays où le Front Patriotique Rwandais (FPR) domine la scène politique, l’influence croissante des leaders religieux est perçue comme un contre-pouvoir potentiel. Paul Kagame voit également dans certaines structures évangéliques un héritage colonial qu’il rejette, appelant les Rwandais à ne plus se laisser « tromper ».
‎​« Face aux défis de développement, quel est le rôle de ces églises ? Fournissent-elles des emplois ? Beaucoup ne font que voler. » — Paul Kagame.
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‎Avec TV5
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