Weza Investment de Christian Tshisekedi:Les discrètes affaires du frère du président Tshisekedi dans la province du Lualaba

Mutanda_mine

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Cadet du chef de l’État congolais, Christian Tshisekedi est à la tête d’une société qui négocie avec Eurasian Resources Group pour sécuriser ses actifs dans la région minière.

Christian Tshisekedi n’y occupe ni position officielle, ni poste connu dans une entreprise. Pourtant, le nom du frère cadet du président congolais, Félix Tshisekedi, revient avec insistance dans la riche province minière du Lualaba, l’une des quatre issues du démembrement de l’ex-Grand Katanga (sud-est de la RDC). Aux côtés de son autre frère, Thierry Tshisekedi, il est soupçonné d’œuvrer dans l’exploitation minière artisanale, sans qu’il soit possible de circonscrire avec précision leur implication.
Un début de piste apparaît dans les statuts d’une société domiciliée à Kinshasa, Weza Investment, dont le nom ressort dans un dossier minier sensible au Lualaba. Christian Tshisekedi est le président du conseil d’administration de cette structure, tandis que la direction générale est assurée par Thierry Katembwe Mbala. Cet ingénieur de formation a été nommé en janvier coordinateur principal du Comité stratégique de supervision du projet d’extension de la ville de Kinshasa (CSSPEVK), où siègent une quinzaine de ministres. Il figurait à ce titre dans la délégation du chef de l’État congolais lors du Forum sur la coopération sino-africaine (Focac), qui s’est tenu début septembre à Pékin.
Vagues de creuseurs artisanaux
Weza Investment a fait irruption ces derniers mois sur le dossier des relations en dents de scie du pouvoir congolais avec Eurasian Resources Group (ERG). Propriété à 40 % du gouvernement du Kazakhstan, ce groupe établi au Luxembourg est très actif dans l’ex-Grand Katanga, où il opère via plusieurs filiales. C’est le cas de Boss Mining, une joint-venture entre l’entreprise publique minière Gécamines et ERG, titulaire du permis d’exploitation 467 sur la concession de cuivre et de cobalt de Menda Central.
En avril 2023, l’ancienne ministre des mines Antoinette Nsamba avait suspendu les activités de Boss Mining, en affirmant que la filiale d’ERG n’avait pas respecté ses obligations environnementales et que ces manquements avaient entraîné « mort d’homme ». Après près d’un an et demi d’âpres négociations, cette décision a finalement été levée en juin.
Entre-temps, la concession de Menda a été envahie par des vagues de creuseurs artisanaux, dont certains affirment œuvrer pour le compte de la famille présidentielle. Ils sont sous la coupe de ressortissants libanais, ainsi que de l’homme d’affaires congolais Coco Muya. Celui-ci a brièvement été emprisonné en début d’année après la révélation par Africa Intelligence d’un enregistrement téléphonique où il se présentait comme un militant historique de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, le parti présidentiel) et dans lequel il menaçait son interlocuteur.
Présence de la Garde républicaine
Dans une position inconfortable après la suspension des activités de sa filiale, ERG a confié à son principal sous-traitant sur place, la société MSL dirigée par le Russe Sergey Steshenko, le soin de faire valoir ses droits sur le site. Pour cela, MSL s’est appuyée sur les services d’une autre entreprise, Kivu Metals Corp (KMC), pour tenter, selon des échanges internes consultés par Africa Intelligence, de « mettre fin aux activités des minerais excavés illicitement par des personnes ayant des accointances avec la famille présidentielle ».
Un objectif rendu d’autant plus délicat par la présence sur le terrain d’éléments de la Garde républicaine (GR), ainsi que d’unités des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), plus prompts à défendre les creuseurs que les intérêts de Boss Mining.
Soupçons d’ERG
En difficulté sur le terrain congolais, où le groupe a initié plusieurs procédures judiciaires , ERG a procédé en mars 2024 à un remaniement de son état-major sur le continent africain désormais chapeauté par le Suisse Nicolas Treand. Décidée à enterrer la hache de guerre avec Kinshasa et à remettre de l’ordre dans ses différentes concessions, cette équipe dirigeante a prêté une oreille attentive à un nouvel acteur : Weza Investment. L’entreprise de Christian Tshisekedi et de Thierry Katembwe Mbala tente depuis plusieurs mois de s’imposer sur le dossier, malgré les soupçons d’ERG sur le rôle de la famille présidentielle dans les problèmes que le groupe rencontre au Lualaba.
Sur le cas de Menda, Weza Investment entend remplacer MSL, dont les relations avec l’État congolais et ERG se sont dégradées – ce dernier l’accusant de ne pas être en mesure de sécuriser sa concession. Pour l’heure, ce projet se heurte encore aux réticences du patron de MSL, Sergey Steshenko, qui réclame en retour plusieurs dizaines de millions de dollars de dédommagements. Sergey Steshenko, qui n’a pas donné suite à nos sollicitations, doit aussi composer avec la pression exercée par son sous-traitant, KMC, qui fait feu de tout bois pour obtenir le paiement de plusieurs arriérés estimés à 5 millions de dollars. En attendant un éventuel dénouement de la situation, Boss Mining n’a toujours pas repris ses activités, malgré la levée de la suspension en juin.
AI

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