L’utilisation par le groupe armé M23 et le Rwanda d’armes plus avancées et de moyens aériens suscite des inquiétudes

[Image d'archives] des rebelles du M23 chargeant une camionnette à Kibumba, dans l'est de la République démocratique du Congo, le 23 décembre 2022. AP - Moses Sawasawa

[Image d'archives] des rebelles du M23 chargeant une camionnette à Kibumba, dans l'est de la République démocratique du Congo, le 23 décembre 2022. AP - Moses Sawasawa

L’arrivée d’armes de plus en plus avancées, ainsi que l’utilisation d’aéronefs par le groupe armé Mouvement du 23 mars (M23) et les Forces de défense du Rwanda (RDF) en territoire congolais, suscite des préoccupations en République démocratique du Congo et au sein de l’ONU.

Le mercredi 21 février 2024, une atmosphère lourde d’émotion règne à la base aérienne de Waterkloof alors que les dépouilles du capitaine Simon Mkhulu Bobe et du caporal Irven Thabang Semono viennent d’être rapatriées. Ces deux soldats de l’armée sud-africaine, engagés dans la Force militaire de la SADC dans l’est de la RDC (SAMIDRC), ont perdu la vie le 14 février. Leur base, située à Mubambiro, dans la province du Nord-Kivu, a été touchée par un obus de mortier.

L’armée sud-africaine n’accuse pas directement le Rwanda voisin ou le groupe armé M23, mais elle annonce tout de même l’ouverture d’une enquête. Selon le gouvernement congolais, il est clair qu’il s’agit d’une attaque menée par l’armée rwandaise.

Il convient de noter que le Rwanda n’accepte pas la présence de la force déployée par l’organisation de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) dans l’est de la RDC. Deux jours avant le décès des deux soldats sud-africains, Kigali avait clairement exprimé son opposition au soutien de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) à la Force de la SADC.
Les sources de l’armée congolaise basent leurs accusations contre le Rwanda notamment sur la qualité des armes dont disposent le M23 et l’armée rwandaise. Contrairement à d’autres zones de conflit, les zones opérationnelles où se trouvent les combattants du M23 et les militaires rwandais se caractérisent par la présence d’un arsenal militaire de pointe.

Le M23 possède un vaste arsenal, comme l’ont souligné les sources des Nations unies et les populations encore présentes dans les zones touchées par le conflit. Cet arsenal comprend une variété d’armes telles que des fusils d’assaut, des mitrailleuses lourdes et légères, différents types de lance-roquettes, des roquettes, des lance-grenades, des canons sans recul, des obus de mortier, du matériel de vision nocturne, et bien d’autres encore. Selon une note de l’ONU, l’équipement du mouvement s’est considérablement renforcé ces derniers mois, comme en témoigne la nouvelle nature de ces équipements qui ne peuvent pas provenir des anciens stocks du M23 datant de 2012 et 2013.
Parmi les armes récentes figurent des grenades antipersonnel de 40 mm produites en 2021. Les experts des Nations unies ont également signalé des armes inédites en RDC, telles que des fusils d’assaut de type Galil (israélien) et AK-103 (russe), observés pour la première fois sur le territoire congolais le 3 mars 2023 dans un camp mixte du M23 et de la RDF, à Mushaki.

Sur le terrain, les signes de l’utilisation du mortier guidé de 120 millimètres sont clairement visibles. Contrairement aux mortiers classiques, les mortiers guidés sont équipés de systèmes de guidage qui permettent un contrôle précis de la trajectoire de l’obus vers sa cible. Cette arme redoutable est capable d’atteindre des cibles spécifiques, telles que des positions ennemies fortifiées ou des véhicules blindés. Avec des éléments de mesure au laser et une capacité de frappe précise, elle présente une grande dangerosité, selon un expert militaire. Selon des sources des Nations Unies, cette arme n’avait jamais été repérée sur le territoire congolais ni dans l’arsenal des Forces armées de la RDC (FARDC).

Comment peut-on établir le lien avec l’armée rwandaise et/ou avec le M23 ? Des sources sur le terrain répondent en examinant les traces laissées. Par exemple, le 27 février 2023, au nord de Sake, un char T54 des FARDC a été touché par une attaque de mortier. Des combats intenses, impliquant la présence et les opérations des RDF et du M23, ont été documentés dans cette région à ce moment-là.
Un autre exemple concerne la découverte d’un obus de mortier guidé de 120 mm non explosé à Murambi, près de Mushaki, en juin 2023, récupéré par les casques bleus. Une présence de l’armée rwandaise avait été signalée dans cette zone à cette période. De plus, le 24 octobre 2023, les restes d’un mortier guidé de 120 mm ont été retrouvés à 15 mètres du camp des FARDC à Kanyamahoro. Selon des sources congolaises et de l’ONU, ce site avait été bombardé depuis les collines contrôlées par les militaires RDF le même jour.

Les avions jouent un rôle crucial dans ce conflit, comme le montre l’incident du 24 janvier 2023. Ce jour-là, un avion de chasse de la République démocratique du Congo a été attaqué depuis le territoire du Rwanda. Malgré une aile en feu, le Sukhoi-25 a réussi à se poser. Kigali a justifié cette attaque en accusant l’avion congolais de survoler illégalement son territoire.

Le 18 février 2024, la situation devient plus tendue. Le Rwanda déclare publiquement qu’il va déployer des ressources pour assurer la défense aérienne complète de son territoire, en réaction à l’arrivée de drones d’attaque chinois CH-4 par la RDC dans les zones opérationnelles.

Le 18 février 2024, la situation devient plus tendue. Le Rwanda déclare publiquement qu’il va déployer des ressources pour assurer la défense aérienne complète de son territoire, en réaction à l’arrivée de drones d’attaque chinois CH-4 par la RDC dans les zones opérationnelles.

Lors de cette réunion, l’ambassadeur Robert Wood, représentant des États-Unis auprès des Nations unies, va plus loin en demandant au Rwanda de mettre fin à son soutien au M23, de retirer immédiatement ses forces du territoire congolais et de retirer son système de missile sol-air qui aurait intentionnellement visé les moyens aériens de la Monusco, selon ses sources. Il souligne également que l’attitude du Rwanda, en tant que contributeur majeur aux missions de maintien de la paix de l’ONU, est profondément préoccupante et mérite une évaluation sérieuse de la part de la communauté internationale.
Cette intensification des moyens militaires plus sophistiqués dans une zone où plusieurs armées sont présentes, notamment la RDC, le Rwanda et le Burundi, ainsi que les contingents de la Monusco et de la SADC, suscite des inquiétudes majeures et alimente les craintes d’une escalade plus grave du conflit.

Avec la RFI

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